roman graphique, etc.

mardi 12 octobre 2010

Greenwich

de Jean Lecointre
Cornélius
152 pages











"Alors, voilà. Tu veux faire un blog qui parle de romans graphiques, déjà ça ne veut rien dire, et en plus tu ne t'y tiens pas. Je ne te parle même pas du fait que ça ne te rapporte pas une thune..." C'est en substance ce que m'a répondu mon conseiller en positionnement marketing lorsque je lui ai dit que j'allais poster une note sur le livre de Jean Lecointre. 
Donc oui, une erreur de positionnement assumée, et qui m'a fait ouvrir les yeux sur l'utilité de cet escroc.

Certain(e)s d'entre vous connaissent ledit Jean pour ses livres pour enfants (Thierry Magnier), pour ses Turkish delights, programmes courts pâtissiers diffusés sur Canal+ il y a quelques années, pour ses illustrations dans "Libération" ou pour la Balançoire de plasma (avec Pierre la Police), éditée en version intégrale en 2005 chez Cornélius. Greenwich, c'est complètement tout ça. Et tellement d'autres choses.



Des hommes-champignons attaquant d'innocentes demoiselles à l'orée du bois, une part de fraisier à tête de chien, un moustachu fièrement hot-dog, une voiture-tatou : voilà le genre de collages surréalistes que produit cet artiste atypique, adepte du morphing anthropomorpho-culinaire. Puisant sa matière dans les vieux magazines de mode, les romans-photos et la presse d'actualité, il crée sous son scalpel numérique des univers angoissants et hallucinés. Retraçant une quinzaine d'années de photomontages, le livre propose une vue d'ensemble de l'œuvre de l'auteur. À l'occasion de sa sortie, une exposition est organisée à l'espace EOF par Arts Factory à partir du 4 novembre.  




Cornélius nous offre un magnifique livre d'artiste : grand format à l'italienne, cartonné, dos toilé (une première série pour l'éditeur, introduite par Wilson de Daniel Clowes, sorti en septembre). Une idée cadeau pour toute la famille, si votre grand-mère prend du Temesta et votre petite sœur fume du crack...

Sortie le 21 octobre.


Voyez vous-même.











jeudi 7 octobre 2010

Asterios Polyp

de David Mazzucchelli
Casterman
344 pages



Je viens de finir la lecture d'Asterios Polyp et, comme  je m'en doutais, ça a été une énorme claque visuelle et narrative. C'est destructuré, grave, psychologique, artistique, héllenistique, fumeux, bigarré, métaphysique, désespéré, maîtrisé, graphique, tonal, orgueilleux.
Génial, en somme.



Asterios est un type brillant, architecte théoricien et universitaire, homme à femmes, fonctionnant sur un mode binaire, perpétuellement à la recherche de la perfection esthétique, chez lui comme chez les autres, et à tout niveau : création, mode de vie, langage… Autant dire qu’il est d’un cynisme et d’une arrogance qui forcent l’admiration des uns et exaspèrent les autres. Le genre qu’on adore détester. Au début de l'histoire, il vient de se faire larguer et le petit monde qu’il s’est créé finit de foutre le camp le jour de son cinquantième anniversaire, alors que le feu ravage son immeuble. Comme une bête acculée, il choisit de fuir aussi loin que la monnaie qu’il a en poche le lui permet.
   


Nous entrons alors dans un double récit, celui, chronologique, de son errance vers/à Apogee, chez les culs-terreux et l’autre, en flashbacks, qui nous éclaire sur la vie d’Asterios. Classique contemporain ? Déjà-vu, me direz-vous ? Possible. Mais ce livre ne se résume pas à ça. L’enchevêtrement des histoires offre une déconstruction psychologique du personnage comme on en a rarement vu d’aussi juste et complexe. On pourrait également parler des différentes techniques de dessins et de typographies que Mazzucchelli utilise pour caractériser ses personnages, la fonction des couleurs, les codes de la bédé qui explosent toutes les deux pages… Ou vous pourriez le lire, plus simplement. 

Les planches que Casterman a mis à disposition pour la diffusion ne sont pas à s'ouvrir le ventre. Du coup, on se repompe les visuels d'un site à l'autre, c'est dommage. Je voulais des images qui collent au propos, mais il est hors de question que j'abîme la reliure de mon exemplaire pour le scanner. Non mais.