roman graphique, etc.

vendredi 19 août 2011

Coucous Bouzon

d'Anouk Ricard
Gallimard (Bayou)
96 pages



Qui pense encore qu'Anouk Ricard est une illustratrice jeunesse? Qu'elle écrit des histoires toutes meugnonnes pour les ptites nenfants avant qu'ils aillent à dodo, avec des jolis bonshommes que c'est des animaux? Hm? Grave erreur! Elle nous prouve encore une fois en s'attaquant au monde de l'entreprise, façon The Office à la sauce Ricard... 






Ric(h)ard cherche du travail et se rend à un entretien d'embauche chez Bouzon, fabricant de coucous suisses. À moins qu'il n'ait mis les pieds dans un univers parallèle ou une maison de fou? Il y sera engagé après quelques formalités. "Vous pouvez toucher vos pieds jambes tendues? C'est quoi ce papier de merde? Vous pourrez apporter un ordinateur?". Pendant qu'il tente de faire sa place, Richard apprend que son prédécesseur a disparu, comme ça. Sans préavis. Aidé de Sophie, la secrétaire, il mène l'enquête... 


Véritable ode à l'absurde et au non-sens, Coucous Bouzon dépeint un univers clos dans lequel les bizarreries que l'on croise en entreprise ou (surtout?) dans l'administration sont poussées à l'extrême : chef fantasque, réunions inutiles, comportements sociopathes, règlement abscons, etc.


Après l'inénarrable Commissaire Toumi (éd. Sarbacane), dans lequel elle déforme les codes du genre policier, Anouk Ricard donne ici toute la mesure de son humour dans une ambiance corporate* surréaliste, mais qui touche à l'universel. Un hit, pour sûr.






En librairie le 1er septembre.


* Si si, la loi Toubon autorise l'emploi du mot corporate.
Planches reproduites avec l'aimable autorisation des éditions Gallimard jeunesse.

jeudi 11 août 2011

Jeanine

de Matthias Picard
L'Association
144 pages


Je suis passé à côté lors de sa sortie en avril, mais je me suis rattrapé cet été. Je me suis laissé prendre par l'histoire de cette vieille pute, qui recèle nombre d'épisodes incroyables. Une nana de 64 ans, atteinte de sclérose en plaques         et qui a été, tour à tour, ange gardien, championne de natation, taularde, strip-teaseuse, égérie politique, écrivain... Et quoi d'autre?






Quelques parties de Jeanine ont été exposées dans la revue "Lapin" (du même éditeur) entre 2009 et 2010, mais ne m'avaient pas laissé entrevoir le potentiel du récit. En règle générale, je suis peu ébranlé par la bio ou l'autobiographie en bédé, souvent très bavarde et parfois indigeste. Mais Matthias Picard, dont c'est le premier ouvrage, a su distiller l'information pour laisser une véritable place au récit. La vie de Jeanine -très romanesque, ça aide- racontée comme un feuilleton.


L'auteur se met lui-même en scène, au fil d'entretiens très naturels avec la sympathique péripatéticienne, chez elle ou sur son(ses) lieu(x) de travail. La profession de celle-ci devient rapidement un arrière-plan au récit tant les virages s'enchaînent et surprennent le lecteur. Autant que l'auteur, qui les découvre en même temps que nous. C'est la relation complice entre lui et son "sujet" qui devient aussitôt le deuxième centre d'intérêt du livre. Jeanine évoque ses souvenirs de jeunesse, ses amours, ses premières années de trottoir, les rencontres et les histoires qui lui ont forgé son destin hors du commun.

L'album fait mouche sur tous les tableaux : c'est drôle et sensible, posé sans être lénifiant, direct sans être brut. Pas d'apitoiement ou de "ouilleouillouille, la vie c'est comme ça mon bon monsieur", juste un regard un peu naïf de quelqu'un qui ne mesure qu'en diagonale l'étrangeté et l'ampleur de son parcours de vie. Et pour une fois qu'on nous vend un "héros du quotidien" qui mérite son étiquette...


Un bel album, bien construit, qui fera forcément un best-seller puisque Jeanine (la vraie hein, elle existe) le tient d'une voyante. Confer le dernier épisode. Alors, faut acheter maintenant. Même si... ça lui rapportera rien, à elle. Monde de merde.