roman graphique, etc.

jeudi 13 octobre 2011

En route pour le Goncourt

de Kierzkowski et Ephrem
Cornélius
80 pages


Pour accompagner la rentrée littéraire, une bédé raconte les affres de la création littéraire. Ou comment un auteur débutant compose avec la détermination et l'ego.


Difficile de se mettre à l'écriture d'un best-seller. Surtout lorsqu'il s'agit d'un premier roman. La persévérance et l'abnégation sont primordiales, autant qu'une confiance en soi en béton armé. 
C'est ce que vit le personnage d'En route pour le Goncourt tout au long des strips de trois cases du bouquin, fonctionnant sur le principe oubapien de l'itération iconique partielle, i.e. un certain nombre de cases (dont seuls quelques détails changent) sont utilisées en combinaison pour créer des séquences narratives*, du gag en l'occurrence. Ça évite aussi au dessinateur de trop avoir à se faire chier. 


© Kierzkowski-Ephrem/Cornélius 2011

Notre protagoniste se met donc en tête de devenir au moins l'égal d'Amélie Nothomb, sans jamais se décourager, même dans l'adversité de la page blanche ou face à la lettre de refus de l'éditeur. Po-si-tif. Et d'une bêtise candide qui confine au génie. Les auteurs et les éditeurs n'ont qu'à bien se tenir (même s'ils sont morts), ça égratigne.
Les gags sont intelligents et font mouche, alternant l'absurde, le potache, le graveleux, sans laisser de répit au lecteur. Le livre s'adresse aux amis de la littérature et à ceux qui cherchent un guide pratique du primo-romancier. Par ailleurs, si vous travaillez dans la chaîne du livre, ça marche encore mieux...


© Kierzkowski-Ephrem/Cornélius 2011

Kierzkowski et Ephrem en sont à leur premier essai, suite à une parution des strips sur leur blog (le Journal de la Création) il y a quelques années. Les reverrons-nous? Peut-être, peut-être pas. Chacun ayant d'autres choses à faire (obtenir un Goncourt ou la médaille Fields, par exemple).


Sortie en librairie le 27 octobre.
Je ne parle jamais d'argent, ça fait mauvais genre.


* L'itération iconique partielle est une des contraintes génératrices définies par Thierry Groensteen et ses copains de l'Oubapo (OUvroir de BAnde dessinée POtentielle). Pour les détails, voir Oubapo, vol.1 (et suivants), publié à L'Association en 1996. Pour des exemples concrets : Moins d'un quart de seconde pour vivre, de Trondheim et Menu (L'Asso, 1991), le Dormeur de (décidément, un jeune auteur plein de talent) Lewis Trondheim (Cornélius, 1993). 

mercredi 5 octobre 2011

Afghanistan

Collectif
Flblb
208 pages


C'est la rentrée! Beaucoup de sorties après un été plutôt calme et peu de temps pour lire (et le travail, et les problèmes et j'ai mal à ma jambe). Alors, beaucoup de lecture de résumés dans divers magazines gratuits et, à la vue de quelques titres de ce mois de septembre, une idée : créer une rubrique "la bouse du mois" parce qu'il est salutaire, autant que d'avoir un bon transit intestinal, de pouvoir dire du mal de temps en temps.




J'avais une affection particulière pour les éditions Flblb, surtout pour leur série Petite histoire des colonies françaises, vraiment marrante et bien foutue. Que n'ai-je vu sur une table de librairie les récits de guerre d'Afghanistan? Six jeunes auteurs ont été recrutés pour parler de la guerre, du quotidien des soldats, des civils, dans des histoires qui "mettent à distance le conflit par l'imaginaire, l'humour, le regard critique ou l'émotion et nous aident sinon à comprendre cette guerre, du moins à ne plus l'ignorer" (extrait du résumé de l'éditeur).
On est donc en face d'un livre d'éditeur, conjuguant sans fausse note une double mauvaise idée : 1) choisir la guerre parce que ça fait vendre et 2) constituer un casting de jeunes auteurs qui n'y connaissent rien et qui n'ont, pour certains, même pas fait leur service militaire, en garantissant la légitimité de leurs récits par le fait qu'ils soient "documentés". Déjà, sur le papier, je ne suis pas client.

Effectivement, l'intérieur ne m'a pas donné tort. Le sous-titre "récits de guerre" revêt tous les atours du chantage au réel : les histoires sont superficielles, recyclent les poncifs, manquent de fond et seraient transposables à n'importe quel conflit. Le sujet sent fort le prétexte à faire un livre, et son traitement poussif ne réussit pas à nous faire croire qu'il (le sujet) en est à l'origine. Aurait-on oublié le vieux principe du "on ne parle bien que de ce qu'on connaît", chez Flblb? Au moins une chose sur laquelle on ne ment pas au lecteur : la mise à distance. On est trrrès à distance. Qu'on ne se trompe pas, ce n'est pas la Guerre d'Alan, ni Opération mort, ni Gen d'Hiroshima, ni même du Joe Sacco. 




Notons que, l'objet n'étant pas le sujet, si je ne trouve pas le livre réussi, ça ne veut pas dire que je considère ses auteurs mauvais. Juste qu'ils se sont engagés dans un truc pas cohérent. Allez voir leurs travaux en direct pour vous faire une idée. Lisa Lugrin, Clément Xavier et Maxime Jeune animent le collectif Na qui édite la revue bimensuelle l'Épisode, Robin Cousin (la jeunesse de Billy-Bob Johnson) participe au collectif Les Machines, un micro-éditeur qui fait de très beaux livres à la main.


Voilà, c'était la bouse du mois de septembre. C'était Afghanistan ou P'tit Boule et Bill, parce que ça, c'est pire, mais on ne traite ici (pres)que de roman graphique. C'est dit.