roman graphique, etc.

samedi 26 mars 2011

Une vie dans les marges

de Yoshihiro Tatsumi
Cornélius
456 pages






Premier tome d'un dyptique autobiographique, pour les grands garçons qui aiment le manga et l'Histoire. Un éclairage nécessaire à la bonne compréhension du système japonais d'édition de bande dessinée, de l'Après-guerre à nos jours.






1945. On découvre Hiroshi Katsumi, 10 ans, dans un Japon détruit et humilié par la guerre. Il partage un rêve son frère aîné : devenir mangaka. À l'époque, les enfants peuvent envoyer des histoires en quatre cases sur des cartes postales à quelques magazines dans l'espoir d'un prix et d'une publication. Rapidement, les tentatives de Hiroshi sont couronnées de succès. Mais le manga de l'époque, à vocation de divertissement pour enfant et dont un honnête homme ne peut faire métier, est loin d'atteindre le niveau 0,5 sur l'échelle de la considération nippone. L'Histoire reste à écrire et Hiroshi s'y attèle, aux côtés de quelques autres auteurs, pour faire émerger un manga narratif, nourri aux découpages cinématographiques et conduit par un souffle romanesque. "Un manga qui ne soit pas un manga", le gekiga*.




L'histoire de ce premier tome se déroule entre août 1945 et avril 1956. Tatsumi met en regard la progression de son alter ego avec l'évolution du pays, sa reconstruction, son développement économique et artistique. Le résultat est saisissant de réalisme et se lit d'un bout. Le récit alterne les aspects très intime de l'autobiographique (la famille, le rapport au frère) et la Grande Histoire de façon très fluide et documentée. À tous ceux qui s'intéressent de près au monde de l'édition, la lecture que l'auteur donne de l'intérieur du système de l'édition nippone est saisissant et permet de comprendre le fonctionnement d'un des pays les plus gros producteurs de bédés du monde.




Dans la lignée des Toxic, Wilson, Greenwich et Sauvetages, sortis depuis octobre 2010, Cornélius réitère dans le livre relié avec toujours autant de goût. C'est beau et dans le format de la collection Pierre, 17x24 cm (en plus, il y a une jaquette). L'histoire est étayée de notices biographiques, de notes et d'une préface de Mitsuhiro Asakawa, éditeur et historien du gekiga. Bref, c'est pas pour les nabots. Il fallait bien ça pour ce qui est considéré comme le grand œuvre  de Tatsumi, un gars qui aura passé plus de onze ans à l'écriture et au dessin d'Une vie dans les marges. Le deuxième tome est prévu pour cette année.


Sortie, le 24 mars.


* Le terme signifie littéralement "dessins dramatiques" et fait référence à de la bédé dirigée vers des préoccupations d'adultes, en rupture avec le "manga" (images dérisoires) plutôt destiné à la jeunsse.



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